Lorsque j’ai commencé à faire de la photo (il y a quelques décennies…), on achetait un boitier reflex qui venait invariablement avec un objectif 50mm. C’était l’objectif dit « normal » puisqu’il avait la réputation d’avoir la perspective la plus près de celle de l’œil humain. Plus tard, les objectifs vendus d’office avec les boitiers ont été remplacés par des zooms couvrant généralement une plage allant du grand angle au court télé. Ce faisant, les photographes ont commencé à développer une certaine paresse, jouant du zoom plutôt que de composer leur image en se déplaçant tout en choisissant leur longueur focale en fonction du champ de vision souhaité. Mon blogue sur les portraits réalisés avec différentes focales a bien illustré ce propos. Pour combattre cette « paresse du zoom », et parfois se sortir d’une période d’inspiration défaillante, on peut revenir à la base : partir en randonnée avec le seul objectif « normal » de 50mm, ou son équivalent selon le format d’appareil utilisé.
Pendant quelques semaines, je suis revenu au temps de ma jeunesse : j’ai troqué mon Olympus format micro 4/3 et ses zooms pour mon vieux boitier plein cadre équipé d'un 50mm macro. Si l’Olympus demeurait à portée de main à la maison (j’ai déjà photographié une paire d’orignaux pratiquement dans ma cour…), toutes mes sorties se faisaient uniquement avec le plein cadre.
Il y avait une bonne raison pour laquelle les 50mm étaient les premiers objectifs vendus avec les boitiers : on peut les utiliser à toutes les sauces! On peut faire du paysage comme se rapprocher pour photographier des détails. On peut faire du portrait, et la plupart des 50mm étant assez lumineux, on peut isoler un sujet du fond en gardant leur diaphragme complètement ouvert. La seule chose qu’on doit éviter est de tenter de faire un gros plan d’un ours rencontré dans un parc national… même si plus d’un touriste écervelé a déjà tenté l’aventure!
Après quelques jours à travailler avec un seul objectif fixe, notre façon de penser se modifie. On ne pense plus en fonction des zooms ou, dans le cas qui nous concerne, en fonction d’un téléobjectif ou d’un grand angle. On observe un sujet et on évalue rapidement son potentiel en fonction de la focale qui équipe le boitier : un sujet trop loin sera abandonné en faveur d’un détail plus rapproché; une portion du paysage est isolée plutôt que de penser le voir dans son entièreté. Évidemment, avec les appareils numériques modernes, on peut toujours tricher; à l’époque du film, il fallait utiliser des appareils spécialisés pour faire des images panoramiques, chose que l’on peut maintenant faire très facilement en alignant quelques images qui seront assemblées en postproduction.
Sans surprises, il y a également un avantage supplémentaire à partir avec un seul objectif : on est plus léger… Pendant quelques semaines, mon gros sac à dos habituel, avec ses multiples objectifs et accessoires, a donc été troqué pour un plus petit sac contenant mon lunch et ma bouteille d’eau. S’il est certain que je vais retourner à mon gros sac bien plein, accompagné de son trépied, ces quelques semaines auront tout de même été un agréable intermède, un que je suggère à tous les photographes.
L’exercice peut être bénéfique pour se réapproprier l’objectif normal, mais il peut également être adapté à toutes les longueurs focales. Par exemple, j’ai un objectif fisheye 8mm Olympus que je n’utilise qu’à l’occasion. Je songe maintenant à faire quelques semaines « expérimentales » avec ce seul objectif lors de mes randonnées, question de réapprendre comment voir le monde à travers cet objectif. À suivre…
LES PHOTOS

Un 50mm macro c’est idéal pour aller chercher des détails dans de petits objets, comme cette feuille morte sur la neige.
Canon 6D, 50mm macro, 1/60 à f/10, ISO 640
Les détails n’ont pas à être aussi petits. En marchant sur la plage, je me suis concentré sur quelques compositions intéressantes de végétation desséchée et de galets pris dans la glace.

Canon 6D, 50mm macro, 1/60 à f/14, ISO 320

Canon 6D, 50mm macro, 1/200 à f/16, ISO 320

Même s’il ne s’agit pas d’un grand angle, l’objectif normal est tout à fait capable de produire des paysages acceptables.
Canon 6D, 50mm macro, 1/200 à f/16, ISO 320


Au lieu de zoomer, ce qui peut changer la perspective de l’image, on obtient un plan plus rapproché en utilisant ses jambes…
Canon 6D, 50mm macro, 1/320 à f/16, ISO 320

Pour obtenir un champ de vision plus large, un paysage peut toujours être rendu sous la forme d’un panoramique en assemblant quelques images.
Canon 6D, 50mm macro, 1/250 à f/11, ISO 160, 7 images verticales assemblées en un panorama

J’ai fait la même chose avec le paysage qui se déploie à l’ouest de ma maison.
Canon 6D, 50mm macro, 1/250 à f/11, ISO 160, 3 images horizontales assemblées en un panorama

Et si mon Olympus et ses téléobjectifs demeurait à portée de main, c’est toujours l’objectif normal qui m’a donné ce coucher de soleil tout en couleur photographié depuis la fenêtre du salon…
Canon 6D, 50mm macro, 1/50 à f/9.0, ISO 640
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